Cet appel à articles est la première étape du numéro que la revue Géographie et cultures souhaite publier en juin 2017, au moment où se tiendra la quatrième biennale Féminins/Masculins consacrée aux géographies féministes en France et dont l’objectif est d’impulser une dynamique collective de recherche sur les apports, les usages et les pratiques féministes en géographie.
A la différence du colloque lui-même, cet appel à textes s’adresse à toutes les sciences sociales dès lors que les auteur.e.s contribueront à montrer les apports du féminisme, en théorie et en pratiques, à la compréhension des dimensions spatiales des sociétés ainsi qu’à l’analyse des espaces du féminisme. La direction scientifique du numéro est assurée par deux chercheures de l’UMR ESO, Erika Flahault, sociologue à l’université du Maine, et Raymonde Séchet, géographe à l’Université Rennes 2, et une chercheure de l’UMR LEGS, Marion Tillous, géographe à l’université Paris 8.
Dans la perspective d’une contribution à l’écriture de l’histoire des féminismes en France, les textes pourront développer des questionnements sur ce qui, dans l’essor des pensées féministes, a été spécifique au contexte national français, et de quelles façons des influences extérieures, anglo-américaines mais pas seulement, ont été plus ou moins prises en compte. Quelles ont été les références les plus fréquemment adoptées, et à quels moments ? Quelles réticences ont pu limiter le développement de certains types de féminismes ? Il s’agira aussi d’examiner la présence, l’absence, voire l’éclipse du féminisme dans le monde universitaire français, dans l’espace des institutions universitaires, dans les programmes de formations et d’enseignement à tous les niveaux. Des textes portant sur les positionnements des hommes à l’égard du féminisme dans les universités, sur les liens entre la théorie et la pratique du féminisme, sur ses combats pour l’égalité, sa critique des formes de production du savoir et les modalités pédagogiques de transmission du savoir seront particulièrement appréciés. De même, les auteur.e.s pourront contribuer aux questionnements intersectionnels actuels sur les articulations entre domination masculine et rapports sociaux de sexe d’une part, autres rapports de domination ou de pouvoir (qu’ils soient liés au statut social, au groupe culturel, aux identités de genre et sexualités, à l’âge, aux capacités, etc.) d’autre part. Les articles proposés pourront également interroger les relations entre le féminisme et des questions auxquelles il est souvent associé, à savoir le genre, le corps, les sexualités (en lien avec le développement des théories queer notamment). D’autres textes pourront apporter un éclairage sur ce qu’il en a été des espaces des féminismes et de leurs modalités de construction, et ce qu’il en est aujourd’hui de leurs lieux d’expression.
Les textes proposés pourront être de nature théorique, épistémologique ou empirique. Il pourra s’agir de présentations d’études de cas, de témoignages et bilans d’expériences à propos du féminisme en géographie, dans les sciences sociales en général mais aussi, plus largement, dans les institutions relevant de l’Éducation Nationale, de l’enseignement supérieur, du monde de la recherche, ainsi qu’éventuellement de la société dans son ensemble.
Ils s’inscriront en priorité dans les trois axes de réflexion suivants, mais toute proposition d’article particulièrement pertinente sera examinée avec attention.
1. Théories, épistémologies, terrains et méthodes
Quelles théories féministes pour décrypter les dimensions spatiales des sociétés ? Comment le féminisme en tant que positionnement vient-il déstabiliser la manière de faire de la recherche en proposant d’autres modèles que celui de la science masculine dite universelle ? Quels effets a-t-il eu sur la manière de penser l’espace ? Comment a-t-il donné leur légitimité à des thèmes de recherches qui étaient jusqu’alors déconsidérés, délaissés ou même impensés ? Quelles ont été les réticences ou les facteurs de blocages à la diffusion des théories féministes ? Dans quels contextes le passage à l’intersectionnalité et la consubstantialité/coextensivité des rapports de domination s’est-il fait, et quels en sont les apports ?
Terrain et pratiques du terrain au prisme du féminisme. L’étude des sociétés dans leurs rapports à l’espace se fait sur le terrain. Quels obstacles celui-ci impose-t-il aux femmes sous l’effet des normes de genre ? Comment les femmes vivent-elles leur terrain et sur le terrain, comment l’habitent-t-elles et comment les habite-t-il ? Qu’en est-il des autres personnes minorisées par les normes de genre ? En quoi le féminisme a-t-il renouvelé les approches du terrain et qu’ont apporté les féminismes aux manières de penser et pratiquer le terrain ?
2. Être féministe dans l’université et les institutions de recherche
Se dire féministe dans l’institution universitaire. Comment se déclarer féministe dans le monde universitaire ? Quelle visibilité y est-elle possible pour le féminisme ? Se déclarer féministe dans le monde universitaire est-il une expérience en soi ? Quels en sont les effets sur les parcours dans l’Institution, entre légitimité scientifique et discrimination structurelle ? Qu’en est-il pour les hommes se déclarant féministes ? Comment penser les alliances entre hommes cisgenres pro-féministes et femmes féministes ?
Quelles pratiques féministes pour changer l’institution universitaire ? Quelles pratiques peuvent permettre de faire évoluer les rapports de pouvoir qui s’y manifestent ? Les pédagogies féministes peuvent-elles changer l’institution, la société, les individus ? Quelles pratiques pédagogiques féministes pour déconstruire les rapports de pouvoir et les hiérarchies dans la classe, dans l’institution, dans la société ? La e.Éducation est-elle une opportunité ou au contraire menace-t-elle le potentiel d’innovation apporté par les pédagogies féministes ?
Féminisme et engagement. Peut-on être féministe dans l’institution universitaire sans l’être dans la vie citoyenne, dans la vie quotidienne et la sphère domestique ? Qu’apportent les recherches féministes à la pensée et la pratique féministes ? Comment le féminisme en recherche s’exprime-t-il en dehors de l’institution ? Qu’est-ce que le féminisme théorique doit à la sphère militante ? Quelles sont les passerelles entre féminisme militant et féminisme académique ?
3. Féminisme à la française ?
Quelles spécificités nationales ou culturelles ? En France, le féminisme a été caractérisé par une forte orientation matérialiste, non sans affrontements avec d’autres courants (féminisme différentialiste, pro-sexe). Comment cette orientation a-t-elle évolué en géographie et plus largement dans toutes les disciplines concernées par l’étude de la dimension spatiale des sociétés, notamment sous l’effet du tournant spatial ? À quoi ont tenu les oppositions à la diffusion des approches de genre en France ? Comment, aujourd’hui, théories queers et féminisme composent-ils ? Et quel est l’apport de l’anarcho-féminisme aux débats ?
Des années 1980 à aujourd’hui, qu’a signifié être féministe et se dire féministe ? Comment les chercheur.e.s engagé.e.s dans le décryptage des dimensions spatiales des sociétés entrent-elles/ils en contact avec le féminisme : par l’engagement, le militantisme, la recherche ? Comment penser un féminisme qui parte des femmes dans leurs espaces de vie pour s’étendre de façon intersectionnelle à d’autres rapports de domination que le patriarcat ?
Espaces, lieux et spatialités du féminisme. Dans quels lieux et espace les mouvements féministes se déploient-ils ? Qu’en est-il des espaces d’expression du féminisme dans l’université en dehors de la fonction universitaire ? Et dans les espaces publics et la rue ? Dans les lieux militants ? Dans les espaces virtuels ? Dans les espaces imaginaires ? Dans la mise en récit des espaces et des voyages ?
Modalités de soumission et d’évaluation
Les articles (50 000 signes illustrations comprises maximum) sont à soumettre au plus tard le 20 décembre 2016 à la rédaction de la revue Géographie et cultures (gc[at]openedition.org).
Les instructions aux auteur.e.s sont disponibles en ligne.
Les articles seront évalués de façon anonyme par deux (voire trois) évaluateurs / évaluatrices.