L’ANEF s’associe à 21 associations féministes pour dénoncer les conclusions discutables d’un rapport publié le 18 juin 2015 par France Stratégie.
France stratégie efface la pauvreté des mères seules avec enfant
La très récente étude de France Stratégie (organisme d’expertise rattaché au service du Premier Ministre) intitulée « Comment partager les charges liées aux enfants après une séparation ? » explique qu’en cas de séparation, si le niveau de vie baisse globalement pour les deux ex-conjoints, le sacrifice serait le plus important pour le parent n’ayant pas la garde de l’enfant, le plus souvent le père.
Les pères seraient donc les premières victimes des ruptures de couple et supporteraient la majorité du coût de l’enfant, notamment à cause des pensions alimentaires. Comment ne pas être interloquées, choquées même ? En effet, début mars dernier le deuxième rapport annuel sur la mise en œuvre du « Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale » mettait en lumière l’aggravation de la pauvreté chez les familles monoparentales (constituées autour des mères à 85 %) et chez les enfants. Le taux de pauvreté des familles monoparentales culmine à 32,4%, contre 10,8% pour les couples, et 14,1% pour l’ensemble des ménages.
Nous dénonçons l’étude de France stratégie qui comporte en fait de très nombreuses limites, faussant le constat des inégalités entre pères et mères.
D’abord, les résultats, fortement médiatisés de l’étude, reposent sur le cas type d’un couple composé de deux personnes ayant le même niveau de salaire… Or, selon les données de l’Insee, trois femmes sur quatre gagnent moins que leur conjoint, et cet écart s’accroît avec le mariage et l’arrivée d’enfants. Et, toujours selon l’Insee, les femmes en couple gagnent 42% de moins que leur conjoint en moyenne. Le cas type est donc bien atypique et très loin de la situation majoritaire réelle des couples.
Les inégalités salariales et professionnelles entre femmes et hommes constituent une deuxième limite très forte de l’étude, que les auteurs reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes. En effet, l’étude fait une impasse sur les décisions prises précédemment dans la famille amenant le passage à temps partiel pour les mères ou leur retrait massif du marché du travail. Doit-on rappeler qu’une femme sur trois qui travaille est effectivement à temps partiel et que le taux d’emploi des mères se réduit considérablement avec l’âge et le nombre des enfants, alors même que ces situations familiales n’ont pas d’effet sur les carrières des hommes ?
Enfin, cette étude oublie la triste réalité des pensions alimentaires impayées. Que signifie de travailler sur des estimations de revenus, de pensions et de prestations sociales si on ne considère pas la réalité des 40% de pensions alimentaires non payées ?
Plus largement, la méthodologie de l’étude de France stratégie est très discutable. Les auteurs basent leurs conclusions sur le coût net de l’enfant pour chaque parent après la séparation. La logique de l’étude est absurde, car elle ne prend pas en compte l’évolution du niveau de vie de l’enfant consécutive à la séparation, et elle est effrayante, car elle aboutit à la préconisation de la suppression des pensions alimentaires pour les mères fragilisées.
D’ailleurs, ces chiffres d’évolution de niveau de vie après une séparation existent. Non pas sortis d’une simulation fictive sur un cas tout aussi fictif comme ici, mais issus d’une étude de l’Insee et l’Ined publiée en février 2015 montrant que le niveau de vie des femmes a baissé de 20% un an après la séparation, contre une baisse de 3% pour les hommes.
Les associations féministes signataires contestent donc fermement les conclusions de cette étude. Si une vraie pédagogie est nécessaire sur ces questions de pensions alimentaires et qu’une réforme des barèmes de pensions alimentaires peut être discutée, cela ne peut se faire sans intégrer les inégalités systémiques existantes entre femmes et hommes et la réalité de la pauvreté des femmes seules avec enfants.
On le voit, les inégalités persistantes entre femmes et hommes sur le marché du travail se répercutent très largement sur l’autonomie des femmes, et d’autant plus fortement en cas de rupture. L’égalité professionnelle et salariale et un service public de la petite enfance doivent être une absolue priorité économique et politique.
A l’initiative du Collectif National pour les Droits des Femmes, FIT une femme un toit et d’Osez le féminisme!
Mémoire traumatique et Victimologie, Les effronté-e-s, Chiennes de garde, Maison des Femmes de Montreuil, Assemblée des Femmes, Ligue du Droit International des Femmes, Fédération Nationale Solidarité Femmes, L’Escale Solidarité Femmes, Du côté des Femmes, Le Planning Familial, Elues contre les Violences Faites aux Femmes, Réussir l’Egalité Femmes-Hommes, Coordination pour le Lobby Européen des Femmes, Libres Mariannes, Réseau Féministe “Ruptures”, Collectif Féministe Contre le Viol, BPW France, Femmes pour le Dire Femmes pour Agir, Adéquations, Association Nationale des Études Féministes